Catégorie : Carrière, Interview

Dans les Backstages de l’artiste, un musicien ou un groupe raconte son parcours et son quotidien. Nous parlons de ses partenaires, de ses choix stratégiques, de ses difficultés et de ses premiers succès. L’idée est de décrypter les recettes que chacun utilise pour vivre de sa musique.

Nous avons interviewé Danger,  un des pionniers de la scène électro française, il fait partie de ces ovnis du paysage musical français. Sa longue expérience dans l’industrie de la musique lui permet de décrypter les évolutions du secteur et les moyens pour évoluer en tant qu’artiste aujourd’hui.

Comment tu t’es construit en tant qu’artiste ?

Tout a commencé il y a 13 ans sur Myspace, bien avant Facebook. Sur Myspace, il y avait un système de recommandation entre amis et la plateforme te permettait de partager du contenu avec pleins de gens. J’ai commencé par poster des musiques sur cette plateforme et très rapidement les gens s’y sont intéressés.

Au départ, je pensais que je ferais de la musique pour rigoler, juste parce que j’aimais ça. J’avais personne dans ma famille qui faisait de la musique, je me suis pas dit « je vais être artiste ». Ça m’est tombé dessus, on m’a proposé de faire des concerts, de signer sur un label, tout est allé très vite.

Un an après mes premières sollicitations, en 2006, j’étais déjà en train de tourner dans des pays étrangers. J’ai donc appris le métier d’artiste sur le terrain. J’ai eu beaucoup de chance, j’ai directement commencé en tant que musicien et j’aime toujours autant ce métier aujourd’hui.

Comment tu as géré les propositions avec ces labels ?

Tout le monde m’a dit « attention tu vas te faire arnaquer » et je n’avais pas d’avocat autour de moi. J’ai tout de même signé avec un label et j’ai eu de la chance je ne me suis pas fait arnaquer. Ce sont des labels américains qui m’ont contacté en premier, je ne comprenais pas trop. Et puis j’ai décidé de contacter des labels français pour vérifier l’intérêt des professionnels pour ma musique.

Quand tu te fais valider par un professionnel, tu prends confiance, ça te met le pied à l’étrier. J’ai envoyé un mail « voilà ce que je fais avec un lien ».

J’ai envoyé deux mails à deux labels français et j’ai eu une réponse le lendemain. J’ai appris ensuite comment sortir un disque et quel était l’économie du secteur musical. Et en fait c’est un monde assez complexe. Et puis quand ça monte vite, ça fait un peu peur et tu ne sais pas comment le gérer.

Je me suis fait conseiller par les gens et j’ai essayé d’apprendre en permanence. Et 13 ans plus tard, je suis indépendant avec ma propre structure, ce choix me correspond parce que j’ai saisi comment ça fonctionnait. J’ai aussi bossé avec Universal, j’ai testé plusieurs solutions et je préfère l’indépendance.

 

Danger lors de l'un de ces concert

Qu’est-ce que tu conseilles aux artistes ? 

Ça dépend de pleins de paramètres. Il faut déjà avoir envie de faire ce métier toute ta vie et faire en sorte de te professionnaliser. Personnellement, je suis autodidacte, mais si on n’est pas comme ça, c’est bien d’être avec un label, mais tout en sachant que l’on n’aura pas toutes les informations.

Auprès de qui as-tu cherché les informations pour comprendre l’industrie de la musique ?

J’ai appris principalement en parlant avec d’autres artistes et avec les gens que j’ai rencontré au fur et à mesure. Il n’y a pas d’informations ou alors les dispositifs d’informations qui donnent des conseils donnent des informations très générales. Ces organismes n’étaient pas à jour, leurs réponses n’étaient pas adaptées à l’industrie actuelle.

En musique électronique, si tu suis les conseils lorsqu’on te dit « fais un album et sort les disques à la FNAC », c’est sûr que c’était foutu. Alors que les petits labels avaient des approches plus modernes, sortent des petits EP en digital, rapidement, avec de beaux visuels. Ça te donne aussi une image de communication différente.

En 2006, quelle était ta stratégie de communication et comment l’as-tu fais évoluer ?

La communication a beaucoup évolué et il faut s’adapter. Quand MTV est arrivée, il y avait des clips et c’était le seul truc que les gens regardaient. Et après, l’arrivée de Napster & co a encore fait évoluer la communication.

A l’époque de Myspace tu pouvais avoir des mecs comme Justice qui t’envoyait un message pour dire que c’était cool, et du coup les gens s’intéressaient plus facilement à toi. Aujourd’hui, c’est plus compliqué d’avoir ce type de recommandation.

A l’époque, Internet n’était pas mainstream, il n’y avait que les fous. Maintenant il y a toute la terre dessus. Avant, il n’y a avait que de la niche, maintenant c’est tellement multicanal qu’il faut trouver son public et occuper le terrain. La communication change tous les jours. On te demande de pouvoir être constant dans tes contenus alors que c’est beaucoup de travail. Mais si tu ne le fais pas c’est impossible de gagner cette guerre des contenus.

Le truc pour sortir de la masse, c’est de bien capter les tendances ou retourner le système.

La communication est différente pour chaque projet. Si tu te connais et que tu sais ce que tu as envie de faire, tu sauras comment tu veux communiquer. Tu peux regarder quels choix font les artistes similaires à toi. Tu peux être ultra proche des gens et tout partager ou rester mystérieux.

Tu conseilles d’intégrer un label ou de rester indépendant ?

Soit tu restes indépendant, soit tu passes par des structures mais potentiellement il faudra intégrer des choses que tu n’aimes pas dans ton projet pour le développer au sein de cette structure. J’ai sorti deux projets chez Universal sans jamais vouloir faire de compromis sur le projet mais du coup on n’était pas en accord.

Il y a des contre-exemples comme PNL ou JuL qui sont indépendants, mais qui sont très connus très rapidement. Ce n’est plus la mode de se dire « je fais tel chose pour être embauchée dans une maison de disque ». Et puis surtout, on n’est plus obligé de passer par ça. Tout dépend des artistes. Beaucoup s’en sortent en indépendant et s’organisent en entreprise et sont autonomes.

Danger en live

Pour les artistes hors région parisienne, est-ce que c’est moins facile ?

Ce ne change rien, sauf qu’à partir d’un moment, rencontrer les gens c’est important, ça permet une forme d’authentification. Mais tu peux « réseauter » à distance. Faut aller vers les gens qui te comprennent et qui veulent te donner des conseils. Après potentiellement tu fais un bout de chemin avec cette personne.

Faut juste faire des trucs, produire et le montrer. Si au bout de 10 000 tracks on te dit d’arrêter, tu ne t’arrêtes même pas ! Faut te faire écouter. Je passe plus de temps à produire ma musique que de réseauter, car il faut avoir quelque chose à montrer pour créer le dialogue avec quelqu’un.

Tu produis ou conseilles d’autres artistes ?

J’y ai pensé, mais je passe encore trop de temps sur mon projet. Il faudrait que ce soit hyper proche de ce que je fais pour que je puisse les conseiller.

A Indie Up nous faisons des séances de travail entre professionnels et artistes, et un professionnel peut être un artiste qui a réussi. Ça veut pas dire trouver son manager pour la vie, parce que c’est des fois c’est beaucoup trop tôt pour un projet, c’est presque se décrédibiliser que d’avoir un manager trop tôt. On incite les artistes à se former et à rencontrer des gens comme toi, qui se sont posés toutes ces questions, qui ont des points forts et des points faibles qu’ils ont su compenser pour réussir à construire une carrière super intéressante. Qu’est-ce que tu en penses ?

Il y a plein de fois où j’aurais aimé que les gens me conseillent sur des trucs. Si ça peut aider, c’est cool ! Dans la musique maintenant il faut être structuré et accompagné donc c’est bien qu’il y ait des initiatives comme Indie Up. Le conseil que je peux donner à tout le monde c’est qu’il faut un manager. Au moins tu peux te positionner. Être seul c’est difficile de faire ce travail, tu te sens un peu schizophrène !

Merci Danger !

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